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université Poitiers                                                                                            CAPS

 

Étude clinique du rentissement d'une figure parentale à l'adolescence


                                                                    

Directeurs du projet

Ce travail de recherche doctoral est réalisé sous la direction de Pascal-Henri Keller, directeur de recherche, professeur de psychologie et de psychopathologie cliniques dont les thématiques de recherche sont le corporel, la dépression et la relation placebo et sous la direction de Marion Haza, psychologue clinicienne, docteur en psychopathologie clinique, maître de conférence dont les thématiques de recherche sont l'adolescence, le passage à l'acte, la mise en scène du corps.

Ce projet est encadré par le CAPS (Laboratoire EA-4050, Clinique de l'Acte et Psychosexualité) de l’Université de Poitiers, dont le directeur est Alain Ducousso-Lacaze. Le laboratoire est engagé dans un projet scientifique interdisciplinaire tels la médecine, le droit, l'histoire et la philosophie qui consiste à s’interroger sur les nouveaux symptômes et lien social.

Identification de la question

Lorsque j'aborde la question de l’étude du retentissement du suicide d’une figure paternelle à l’adolescence, c'est la question de la spécificité du deuil d'un père à l'adolescence qui me semble devoir être posée.

Qu'est-ce que le deuil à l'adolescence ? Peut-on parler de deuil spécifique, ou bien, l'expression désigne-t-elle simplement un deuil dans le sens commun de celui de l'adulte malgré certaines spécificités dues à l'adolescence ?

Il s'agit de se poser la question de ce que peut être la clinique du deuil à l'adolescence au regard du point de vue psychanalytique si l'on veut être en mesure d'opérer une distinction.

Plutôt que de s'attacher directement à la construction d'une théorie psychanalytique de l'adolescence endeuillée d'un parent, il y a nécessité à distinguer, grâce à la clinique du deuil, les spécificités du travail de deuil à l'adolescence.

Pourquoi ?

Parce qu'il me semble que le suicide d'un père à l'adolescence constitue un événement traumatique, au cours d'un temps où le conflit œdipien est réveillé par la puberté, phase considérée par Freud, comme la phase organisatrice qui, sous le primat de la génitalité, tourne la pulsion sexuelle autoérotique vers l'objet sexuel. Dans ce contexte de rupture, de détresse psychique pour ces adolescents orphelins, l'éclairage de la clinique permet d'évaluer le retentissement du suicide du père, l'exigence du travail psychique qui en découle et d'analyser le poids du réel, l'expérience "catastrophique" de la séparation et de la perte.

Du fait de la mort du père, le « passé » des adolescents resurgit et ils se sentent vulnérables. C'est le père imaginaire plutôt que le père réel qui est en cause dans tous les fantasmes conscients et inconscients constitués autour de la figure paternelle. C'est aussi sur le père imaginaire que va porter le travail du deuil que les adolescents auront à effectuer après la mort réelle du père (Œdipe et Hamlet) c'est-à-dire un travail de séparation, de deuil, de renoncement, de sublimation.

De qui et de quoi se sépare-t-on dans cette relation d’objet particulière que constitue la relation père-adolescent ? Quels enjeux entre le père et son fils, entre le père et sa fille : est-ce d’un objet ou de son double (réel ou imaginaire) que l’adolescent se sépare ?

 

Objectifs de la recherche

1/ Rechercher les causes générales et profondes de la souffrance de la perte d'objet parental après un suicide dont les diverses émotions sont les résultantes.

2/ Comprendre les atteintes identitaires provoquées par le traumatisme psychique lié au suicide d'un parent.

2/ Discerner ce qu'il y a de commun dans les préoccupations et dégager les lignes de forces de leur évolution.

3/ Améliorer la prise en charge thérapeutique et la reconnaissance des adolescents orphelins après le suicide d'un de leur parent :

  • • Prévenir des troubles graves et/ou passages à l'acte chez ces adolescents
  • • Rendre compte des conditions favorables qui leur permettraient de pouvoir continuer leur développement personnel
  • • Consolider les points de repère symboliques et identificatoires nécessaires à la subjectivation.

4/ Élaborer dans une démarche de prévention :

  • • Des cadres de prises en charge thérapeutiques pour ces atteintes ainsi que leur mode d’évaluation :
  • • Le soutien psychologique 
  • • Des actions précoces d’interventions différenciées (soutien individuel, groupe de parole, site internet...)

5/ formations...

 

Hypothèse psychopathologique

Hypothèse théorique :

Le sens commun dit qu'il n'existe pas de différence entre le deuil chez l'adulte et le deuil chez l'adolescent.

L'hypothèse que je vais défendre est que ce point de vue est inexact, qu'un adolescent n'est pas un adulte, que les manifestations psychopathologiques diffèrent compte tenu que le processus d'adolescence existe, dont l'élaboration et la construction, a pour finalité de permettre au sujet adolescent de devenir adulte.

J’analyse le travail du deuil et les émotions éprouvées à l'adolescence afin de présenter une distinction fondamentale : ne pas confondre le deuil chez l'adulte et le deuil chez l'adolescent et de préciser les spécificités.

 

Hypothèse de travail :

1/ Je pose l'hypothèse de travail selon laquelle le suicide d'un parent au cours de l'adolescence constitue une effraction psychique. Le trauma, au sens psychanalytique, métapsychologique, n’est jamais le fait divers des journaux. Il résulte de l’inadéquation entre l’événement et les possibilités psychiques d’y réagir en procédant à un réaménagement intérieur : tout dépend de ce qui advient ou non dans le psychisme. Le traumatisme est l’effraction des pare-excitations (1920).

La rencontre avec le suicide de son parent crée un bouleversement des repères identitaires et temporels dans le sens où la mort réelle donne à l'existence d'un fantasme relatif à la mort une actualisation "catastrophique" c'est-à-dire la mesure du traumatisme que représente l'actualisation d'un scénario de mort durant l'adolescence.

Le deuil d’un parent suicidé va induire un profond remaniement de l'image de soi et du statut d'adolescent.

2/ Pour ces adolescents orphelins, le suicide de leur parent impose, par cet acte intentionnel conscient et inconscient, une présence intérieure persécutrice.

De la spécificité de cette présence intérieure, découlera un processus de séparation individuation spécifique en raison d’un difficile processus de détachement interne, d’une désorganisation du moi, des affects et du corps de l’adolescent orphelin :

Que devient le destin de l'objet interne lorsque le parent réel est mort ?

Cette question soulève deux autres questions : la question des identifications aux figures parentales et la question des objets parentaux intériorisés.

Le processus de séparation oblige à repenser les modes de formation et de transmission de l'inconscient, les effets de subjectivité et d'intersubjectivité qu'il détermine, ainsi que les nouveaux dispositifs cliniques de traitement de la souffrance psychique.

 

Hypothèse clinique 1 :

L’adolescent endeuillé après le suicide de son parent est susceptible de présenter un risque accru de dépression, de passage à l’acte… et justifie de se pencher sur son histoire de  vie.

La difficulté du travail de deuil consécutif à la perte objectale d’un parent durant l’adolescence vient du fait qu’il entre en interférence avec le processus d’adolescence.

« Il vient réactiver par régression des fixations anciennes à des positions prégénitales et/ou phalliques en partie irrésolues ».[1]

La problématique propre à cette période est marquée du sceau de l’angoisse de castration - exprimée dans les transformations du corps - le surgissement de la pulsion sexuelle, l’incertitude sur l’identité, le besoin d’identification à des idéaux et des idoles.

Donc, il s'agit de rechercher les causes générales et profondes des repères identificatoires qui puissent constituer les résultantes d'une détresse spécifique chez l’adolescent.

Je considère qu’il existe un décalage entre une maturation du corps, du fait de l’acquisition de la maturité de l’appareil génital, réveillant les conflits œdipiens contre lesquels l’adolescent lutte et entre un psychisme encore immature, c’est-à-dire pas en capacité de métaboliser l’excès des tensions du registre de l’économique qui renvoie à la force des pulsions, aux affects, aux désirs.

Hypothèse clinique 2 :

L’interdit pèse sur le suicide. Réprobation par le surmoi personnel et social, honte et impact qu’il a en nous confrontant à nos propres potentialités suicidaires et/ou meurtrières. Cette transgression majeure va ébranler l’identité de l’adolescent confronté à cet interdit fondamental, au pouvoir de mort qu’il a sur lui-même et qui heurte son narcissisme.

Dans la réalité, il n’y a plus de parent à faire tomber de son piédestal ou à tenir en respect : le parent est tombé de lui-même. Il a disparu de manière irréversible, obligeant l’adolescent à renoncer et/ou à intérioriser la dynamique relationnelle qui s’était établie avec son parent. (spécificité du deuil d’un parent à l’adolescence).

Son absence dans la réalité va contribuer au remaniement de l’identité de l’adolescent orphelin qui se trouve automatiquement un pas plus loin dans la succession des générations.

La mort du père pour le fils adolescent ou la fille adolescente les privent du représentant de leur surmoi, « à la fois interdicteur et protecteur, pas encore intériorisé à cet âge ».[2]

Ces aspects sont perceptibles à la lecture analytique des données cliniques des entretiens mais se manifestent également sur les plans symptomatiques des conduites sociales et des investissements relationnels.

Hypothèse clinique 3 :

Le deuil après suicide est un deuil traumatique constitué par l’irruption dans le psychisme d’un « corps étranger » inélaborable qui induit un sentiment d’impuissance face au débordement psychique et face à l’impossibilité pour l’adolescent d’avoir pu empêcher le suicide de son parent de se réaliser.

Les éléments traumatiques se révèlent être de puissants obstacles au travail de deuil et ce à un triple niveau de lecture indispensable à tout deuil :

1) celui des identifications : comment s’identifier à un parent qui s’est donné la mort ?

L’identification réalise l’assimilation des qualités du défunt. Elle remplace la relation à l’objet perdu. À la lumière des cas cliniques relatés, je vais tenter de cerner ces différences. La signification de la perte s'inscrit sous la forme d'une identification aboutissant soit à une confusion dans un narcissisme symbiotique soit à un deuil impossible cohabitation avec le fantôme d'un mort toujours vivant. Le deuil est-il la perte d'un autre ou l'abandon d'une partie de soi-même ?

2) celui de la remémoration où la violence fait obstacle au souvenir ;

3) celui de l’élaboration des sentiments de culpabilité.

L’étude de ces trois niveaux de lecture va permettre de présenter ces processus compte tenu de leur investissement, de leur place dans l’organisation psychique et de leur incidence sur le cours des événements psychiques tels que la perte après suicide d’un père.

Hypothèse clinique 4 :

Les adolescents endeuillés d’un parent suicidé sont susceptibles de développer un sentiment de culpabilité persécutrice et non un sentiment de culpabilité réparatrice.

Méthodologie

1/ Dispositif de recherche :

® Étude qualitative à visée thérapeutique : Suivi d’une même population pendant une période donnée (2012-2015) une séance tous les quinze jours, voire toutes les semaines si besoin.

® Principal dispositif : Cohorte d’adolescents endeuillés

Observation, entretiens cliniques individuels et familiaux enregistrés

2/ Participants :

® Population cible : Sujets âgés de 12 à 20 ans, éprouvés par le même deuil.

® Critères d’admissibilité :

            Critère d’inclusion :

→ Âge compris entre 12 et 20 ans : période adolescente

→ Sexe H/F

→ Avoir signé un consentement éclairé pour participer à la recherche : parent, adolescent

            Critère d’exclusion :

→ Sujets âgés de moins de 12 ans et plus de 20 ans

→ Absence de consentement éclairé pour participer à la recherche

® Troubles psychopathologiques graves

3/ Procédures d’échantillonnage et de recrutement :

® C.M.P.P.

® Coordination territoriale 17 nord « Prévention du suicide et promotion de la santé mentale » (Charente-Maritime, Poitou-Charentes)

® Service départemental médico-social de l’Éducation Nationale (Charente-Maritime, Poitou-Charentes).

4// Taille de l’échantillon :

® 5 adolescents : 3 adolescentes et 2 adolescents

Particularité : Tous les adolescents sont endeuillés de leur père.

5/ Analyse

 

[1] HANUS M., Les enfants en deuil, p. 300.

[2] HANUS M., Les enfants en deuil, p. 300.


 

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